Un thème qui oblige à la nuance et à l’humilité : « GAGNER »

Un questionnement philosophique et civilisationnel qui a demandé de faire des choix car nombreux et divers sont les combats que nous souhaitons gagner à titre individuel et collectif.

Une volonté éditoriale d’apporter des connaissances et de donner à penser, d’ouvrir des pistes de réflexions individuelles et exigeantes. Notre démarche de construit en plusieurs temps. Elle passe par l’interrogation des sens et concepts autour de « gagner », des imaginaires qui nous limitent et nous définissent, pour comprendre comment cela fonctionne. 

Victoire et défaite / Les mythes délétères /  Les mécaniques de la victoire / Apprendre de nos échecs / Gagner sur la mort

Il y a des combats imposés, qu’on ne peut pas refuser – car les refuser c’est se condamner –  mais dans lesquels on peut embarquer une vision et défendre des valeurs. Guerre / Espace / IA

Il y a les combats de l’humanité, ceux qu’on ne peut pas refuser car ils dépassent nos existences et touchent à l’Existence, les victoires obligatoires pour lesquelles nous devons nous affirmer. Climat / Nature 

Il y a des combats de société, ceux pour recréer la confiance, agir en commun, oublier ses identités et individualités dans le collectif nécessaires au regard des tous les autres combats. Politique / Justice / Désinformation 

Les soirs, des plénières, grands témoignages qui nourrissent ces notions de victoires échecs et défaites et qui apportent l’enseignement individuel pour complèter les facettes “gagner”.


Si ce thème « Gagner » a été retenu c’est qu’il soulève une problématique complexe, typique des remises en question individuelles et collectives que notre époque exige. Indéniable moteur des existences et des civilisations, les conséquences sociales et environnementales liées à l’extrémisme avec lequel cet objectif a été déployé nous obligent à repenser le sens que nous souhaitons donner à la victoire et à la figure du gagnant au 21ème siècle.

En effet, dans sa version actuelle, occidentale et anthropocentrée, « gagner » ne peut être une proposition satisfaisante : force est de constater que cette proposition ne réussit ni à l’espèce humaine ni autres espèces. Pourtant par une forme d’ironie cruelle, et alors que les polarisations se font plus fortes et les limites du vivant mortellement ressentir, nous sommes placés dans l’obligation de « gagner » des guerres universelles et littéralement vitales. Mais comment ? Quelle translation de valeurs opérer afin de faire advenir un monde où gagner implique « qu’il n’y ait plus de perdants » synonyme de responsabilité collective, où la victoire oblige, où le gagnant est humble et respectueux de l’autre ? 

Comment avons-nous tout perdu en voulant gagner sans sens ni raison ? Où se situent les batailles vitales ? Quels mécanismes pour les remporter ? Comment transformer des discours mortifères en projets collectifs ? Comment faire pour que « gagner » ouvre sur un horizon positif ? Que doit-il recouvrir pour être la condition d’un progrès universel et au service d’un avenir désirable ?


PROGRAMME EDITORIAL 

JOUR 1 – 11/01/2024

14H GAGNER UNE QUESTION D’ENERGIES FREDERIC GROS : CHERCHEUR / SCIENCES PO

Comment penser la guerre et la désobéissance, moteurs des révolutions et moteurs de la politique, permet de comprendre cette thématique éminemment politique et ce qu’elle dessine en termes d’imaginaire et de concepts.

TABLES RONDES

1. VICTOIRE ET DEFAITE : UNE MATRICE A NUANCER ?

Si nous voulons repenser « gagner » au XXIème siècle, il nous faut nous attarder sur les constructions sur lesquelles reposent les deux extrêmes du spectre. Alors qu’il existe des défaites glorieuses et des victoires honteuses, des défaites refusées et des victoires impossibles, quelles réalités et affects sont contenues dans l’une et l’autre ? Cette matrice victoire-défaite est-elle aussi normée qu’il y paraît ? Et dans les nuances qui se dessinent comment penser des figures plus humaines et réelles du gagnant et du perdant ? N’y aurait-il pas une troisième voie ?

SARAH OURAHMOUNE – Boxeuse française la plus médaillée – Vice-championne olympique (les leçons de cette deuxième place) / CHRISTOPHE POMMIER – Conservateur au musée des Armées, Co-commissaire de l’exposition Victoire ! La fabrique des héros – responsable de la partie sur la glorieuse défaite

2. CHANGER LES REGLES DU JEU / EN FINIR AVEC LES MYTHES DELETERES

« Something is rotten on Earth ». Gagner, c’est gagner selon des règles définies mais que se passe-t-il lorsque ces règles rendent le jeu dangereux, pour soi, les autres et la planète ?  Depuis quelques décennies déjà, nous savons que le système dans lequel nous sommes inscrits est responsable de crises polymorphes et mortifères. Nous sommes prisonniers de mythes et d’imaginaires qui nous empêchent d’être pleinement maîtres de nos destinées et qui nous figent dans un système alors qu’il faudrait le réformer, pour ne pas dire le révolutionner. Comment y mettre un terme ? Quelles pourraient être nos boussoles pour construire cette nouvelle proposition qui nous sortirait de l’héritage des modernes ? Que pouvons-nous fabriquer pour les générations qui viennent ?

FANNY PARISE : Anthropologue / ANNE ALOMBERT :  Chercheuse, philosophie et numérique, école B.Stiegler

3. LES MECANIQUES DE LA VICTOIRE

Alors que nous faisons face à des défis uniques dans leur intensité et synchronicité, comment nous mettre individuellement et collectivement dans l’optique de la victoire ? En nous attardant sur les mécanismes psychologiques et émotionnels qui se déclenchent quand nous voulons « gagner » que pouvons-nous tirer comme leçons et applications pour se mettre en condition de relever ces défis ? En faisant se croiser les regards de spécialistes des jeux vidéo et des neurosciences, nous souhaitons comprendre ce qui est à l’œuvre face à une épreuve, un challenge ou une lutte afin de voir ce qui serait transposable dans les (indispensables) narrations communes.

FANNY NUSBAUM : Chercheuse, neurosciences  /FLORIAN MUSSARD : VP Creative Ubisoft

4. AVONS-NOUS PERDU LA BATAILLE DE L’INFORMATION?
Bienvenue dans l’ère de la manipulation, de la post-vérité, des complots. Il semblerait que la paranoïa soit devenue la seule grille de lecture de notre époque. À qui la faute ? À la démocratie malade ? aux ingérences étrangères ? à la multiplication des sources ? ou de manière paradoxale à la déconstruction des manipulations et à l’esprit critique à outrance ? Dans ce contexte comment se parler, débattre, se faire confiance ? Pouvons-nous encore gagner cette bataille contre la désinformation et avec quelles armes ?

MARIE PELTIER : chercheuse, spécialiste du complotisme / GUILLAUME SOTO-MAYOR : conseiller, spécialiste de la désinformation en Afrique / ELSA GUIOL : journaliste, documentariste La fabrique du mensonge                                                                                                                                         

5. GAGNER LA GUERRE AVANT LA GUERRE  
Après des décennies de paix sur le continent, l’Europe avait cru que la guerre appartenait au passé. Or depuis la guerre en Ukraine les données ont changé et les zones de conflits se multiplient aussi bien dans le monde analogique que numérique. Dans ce contexte actuel de vives tensions et de redistribution des forces géopolitiques et alors que les technologies créent des formes de guerres hybrides, nous souhaitons comprendre comment les armées et leurs stratèges se préparent à ces affrontements.  

GENERAL PHILIPPE POTTIER : Directeur de l’École de Guerre /GENERAL ANNE-CECILE ORTEMANN : Directrice de l’agence numérique de défense / VIRGINIE TOURNAY : Redteam, auteur de science-fiction, chercheuse Sciences Po

6. LA NOUVELLE CONQUETE DE L’ESPACE    
Dans l’espace, toutes les ambitions terrestres se reflètent. Là-haut aussi les terrains d’affrontements sont scientifiques, géopolitiques, militaires et commerciaux. Aujourd’hui, le temps d’un club restreint des nations de l’espace semble révolu et avec l’arrivée de nouveaux protagonistes, qu’il s’agisse d’États ou d’acteurs privés, le paysage spatial se modifie profondément. Cette table ronde a pour ambition de mieux comprendre les nouveaux enjeux liés à l’espace, qu’ils soient juridiques, militaires ou liés à son exploration. Au lendemain du Sommet de l’Espace, il s’agira aussi de mieux déterminer les ambitions et capacités européennes.

COLONEL ALEXIS ROUGIER : Chef d’Etat Major du Commandement de l’Espace  / RAPHAEL COSTA : Chercheur en droit, spécialiste du Droit de l’Espace / HELENE HUBY: CEO, The Exploration Company  

PLENIERES

LES MOTEURS DE LA VICTOIRE – TONY ESTANGUET

Médaillé à Sydney en 2000, Athènes en 2004 et Londres en 2012, porte-drapeau dela délégation française à Pékin, membre du Comité International Olympique de 2013 à 2021… c’est une longue et victorieuse histoire qui lie Tony Estanguet et les Jeux Olympiques. Désormais président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, il s’est donné comme mission de les rendre accessibles au plus grand nombre. Alors que nous serons aux premiers jours de l’année olympique, Tony Estanguet viendra nous présenter le nouveau modèle de Jeux qu’il défend. Un modèle où le pouvoir unique du sport nous rend tous gagnants ?

VICTOIRES ET DEFAITES : CE QUE L’HISTOIRE FAIT AUX PEUPLES ET À L’HOMME

BENJAMIN STORA : HISTORIEN FRANÇAIS

Les victoires et les défaites traversent l’histoire des peuples transformant par là-même le cours des existences individuelles. C’est grâce à un témoignage mêlant expérience intime et regard de l’historien que nous vous proposons de comprendre comment l’Histoire s’incarne et nous façonne. 1962 : l’Algérie regagne son indépendance. Pour Benjamin Stora, né à Constantine en 1950, et sa famille cela signifie le départ forcé vers la métropole. Un exil occidental qui déterminera sa carrière, ses engagements politiques et ses combats. Devenu historien, il se spécialise dans l’histoire de l’Algérie dont il est reconnu comme l’un des meilleurs experts et consacre sa vie à faire connaître cette période si proche et pourtant tellement obscure de l’histoire française que fut la Guerre d’Algérie.

JUSTICE CLIMATIQUE : FAIRE ENTENDRE LA VOIX DE LA JEUNESSE MONDIALE INEZA UMUHOZA GRACE : MILITANTE/GAGNANTE CITOYENNE MONDIALE

Pour que l’avenir leur appartienne, la jeunesse mondiale – du Sud et du Nord – doit se faire entendre et prendre part aux décisions concernant la justice climatique. C’est ce en quoi croit Ineza Umuhoza Grace, cofondatrice de la Loss and Damage Youth Coalition qui réunit plus de 900 jeunes issus de plus de 70 pays plaidant en faveur d’une action concrète pour lutter contre les pertes et les dommages liés au dérèglement climatique. Les armes déployées par cette coalition pour gagner ce combat ? Donner la capacité aux jeunes de comprendre pour agir et promouvoir leur participation à la prise de décision au niveau national et international.  Leur revendication ? Un monde où nous respectons les droits des générations futures à un climat sûr. Notre devoir ? Les écouter et les aider à gagner. Outre son rôle de coordinatrice mondiale de la Loss and Damage Youth Coalition, Ineza Umuhoza Grace œuvre pour la justice climatique en menant des recherches politiques et des actions de plaidoyer. Elle est lauréate du Global Citizen 2023, Obama Foundation 2022 et National Geographic Society 2020.

LA CONQUÊTE DU MONDE DE L’ART : LES SINGULARITÉS D’UNE RÉUSSITE ENTREPRENEURIALE – EMMANUEL PERROTIN

Emmanuel Perrotin ouvre sa première galerie en 1990 à Paris à l’âge de 21 ans. Il a depuis ouvert près de vingt espaces implantés dans huit villes – Paris, Hong Kong, New York, Séoul, Tokyo, Shanghai, Dubaï et Los Angeles – et travaille avec une centaine d’artistes, établis et émergents de près de trente nationalités. Depuis 30 ans, l’homme d’affaires qui représente JR, Murakami ou encore Soulages a bâti un véritable empire dans le milieu de l’art faisant même de son nom une marque.En ce début d’année 2024, le galeriste star – The ArtReview Power 100 l’a classé 4ème galeriste le plus influent au monde – vient de franchir une nouvelle étape de son aventure entrepreneuriale, en ouvrant son capital au fonds d’investissement Colony IM. Une alliance historique entre le monde de l’art et de la finance qui fait entrer Perrotin et le marché de l’art dans une nouvelle époque. Revendiquant l’éclectisme de ses choix qu’il voit comme l’alliance de la fidélité aux aînés (il représente certains artistes depuis ses débuts) et de la mise en lumière des jeunes contemporains, souhaitant démocratiser l’art contemporain et ne refusant pas de prendre des risques, Emmanuel Perrotin sera présent lors du Sommet de Paris pour nous parler des singularités de cette conquête, des responsabilités que ces succès contiennent et des défis qu’il se lance pour pérenniser ces victoires et concrétiser sa vision. Ne s’agit-il pas avant tout de la victoire de son imaginaire esthétique ? 

VICTOIRES ET DÉFAITES EN POLITIQUE – ALAIN JUPPE 

Si les victoires et les défaites jalonnent la vie de tout un chacun, elles ont une autre dimension dans la vie d’un homme politique. Lorsque l’on passe sa vie à se jeter dans l’arène pour défendre son idée de la France et ses idéaux, que l’affrontement et la lutte sont quotidiennes, que les destins remis aux mains d’une entité détentrice du pouvoir souverain, quels enseignements tire-t-on de ces sanctions heureuses ou malheureuses ? Quel renouveau y trouver ? Quelles sublimations possibles ? Où puise-t-on les ressources nécessaires pour se jeter une fois encore dans la bataille ? Comment l’homme se transforme au fil de l’expérience de la vie politique ?Pour répondre à ces questions, le regard distancié d’un homme qui ne se destinait pas à la politique et qui pourtant en est une figure emblématique

JOUR 2

14H30 LES VERTUS DE L’ÉCHEC CHARLES PEPIN – PHILOSOPHE

Si le thème « Gagner » a été retenu c’est qu’il soulève une problématique complexe, typique des remises en question individuelles et collectives que notre époque exige. Indéniable moteur des existences et des civilisations, notre temps nous oblige à penser le sens que nous souhaitons donner à la victoire et à la figure du gagnant au 21ème siècle. Si nous voulons mener à bien cet exercice, il nous faut déplier et interroger toutes les notions qui lui sont liées et parmi, elles l’échec. Car le chemin qui mène vers la victoire, qui nous fait « gagnant » de nos luttes, est long et parsemé d’échecs mais qui ne deviennent défaites que si nous sommes incapables de les sublimer. Là réside la sagesse de l’échec : savoir écouter ce qu’il dit de nous, de nos désirs profonds, des lieux de nos existences….Quel meilleur guide que Charles Pépin pour nous aider à naviguer dans les eaux troubles de nos victoires qui portent en elles toutes les leçons de nos échecs ? Quel meilleur allié que le philosophe pour faire de nous des gagnants éclairés ?

TABLES RONDES

1. FAIRE GAGNER LE VIVANT 

Nous effacer et nous mettre au service de ce qui nous entoure et nous inclut, voilà ce qui pourrait être le programme de la décennie qui vient et des suivantes. Car le vrai grand combat de ce siècle n’est-il pas celui pour le Vivant, tout le vivant ?  Il nous faut donc trouver de nouvelles armes et de nouveaux outils pour repenser notre rapport à l’Autre, pour nous inscrire différemment dans ce maillage auquel nous appartenons ; à nous d’être créatifs dans les dispositions, à nous d’oser penser plus loin et certainement contre nous. Ce changement de perspective loin d’être anodin trouve de nombreuses répercussions que nous allons esquisser ici.       
MARTA TORRE-SCHAUB : Chercheuse, droit de l’environnement / KALINA RASKIN : Directrice du CEEBIOS, expert auprès de la Commission Européenne

2. GAGNER NOTRE AUTONOMIE STRATEGIQUE 

Avec les redistributions d’alliances géopolitiques et le renouveau des blocs civilisationnels forts, les enjeux d’indépendances énergétiques, industrielles et technologiques refont surface. Les questions de souveraineté prennent une nouvelle dimension pour les États dans cet environnement mondial instable. Il y a bien là une victoire à remporter : celle du maintien de leur autonomie stratégique. C’est dans ce contexte que le renouveau de l’industrie française, que l’on parle de réindustrialisation ou de de transformation des secteurs clés, est inscrit depuis quelques années comme une priorité pour la France. Comment notre pays envisage de remporter cette guerre pour la souveraineté au XXIème ? Quelles sont les solutions adoptées ? Comment favoriser une réindustrialisation et une innovation répondant aux impératifs écologiques ? Et d’ailleurs l’obligation de décarbonation peut-elle devenir un avantage concurrentiel ? Quels sont les déterminants économiques et géopolitiques nécessaires au succès de cette politique ? Comment ces politiques s’inscrivent dans celles de l’Europe ? Comment agir pour positionner la France en leader du monde de demain ? Pour répondre à ces questions hautement stratégiques, nous accueillerons Géraldine Leveau Secrétaire générale adjointe au Secrétariat général pour l’investissement – France 2030, Thomas Grjebine, responsable du programme Macroéconomie et finance internationales au CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales).

3. LA DEFAITE DU POLITIQUE ? REFAIRE GAGNER LE POLITIQUE

Parmi les traits propres à notre époque, l’absence de grands récits créant un sentiment de destin commun est souvent pointée. Derrière cette absence, une réalité déstabilisatrice : l’incapacité du politique d’apporter des réponses aux questions pourtant essentielles quand il s’agit de nous penser comme peuple et comme société. Pire, il semble avoir abandonné son rôle de créateur d’imaginaires, indispensables générateurs d’utopies et de collectif. Or, comme la nature, les sociétés ont horreur du vide et dans celui laissé par le politique de nouveaux acteurs s’imposent, les territoires se redistribuent. Mais alors qui pour nous raconter et nous faire vibrer ensemble ? Sommes-nous condamnés à la privatisation des imaginaires politiques et au repli sur soi général ? Le politique peut-il se ressaisir et sortir gagnant de la bataille des imaginaires ?

RAPHAEL LLORCA : Essayiste / VINCENT COCQUEBERT : Essayiste et journaliste

4. LES HOMMES FACE A L’IA : GAGNER UN DEFI CIVILISATIONNEL ?

Les outils façonnés par les humains les ont toujours remodelés en retour, mais ceux issus du numérique sont d’une nature particulière. Technologie totalisante, ses effets se font déjà sentir à tous les niveaux de nos organisations humaines. Or, il y a tout juste un an, OpenAI nous faisait entrer avec ChatGPT dans ce que certains ont nommé la 4e révolution numérique. D’autres vont plus loin et y voient une révolution civilisationnelle, voire anthropologique : si les IA sont déjà présentes partout, les derniers développements des IA génératives sembleraient en effet concurrencer l’essence même de notre espèce… S’il est encore difficile de qualifier et de quantifier les effets, il n’y a aucun doute en revanche quant à leur nature systémique. Les Cassandre y voient une menace pour l’Humanité, les technos optimistes une étape nouvelle pour une libération de l’Homme lui permettant de dépasser ses limites physiques et intellectuelles. Mais qu’en est-il réellement ? Quels impacts ont les IA sur nos sociétés, la démocratie et les équilibres économiques et géopolitiques ? Quelles conséquences sur nos vies professionnelles et citoyennes ? Quels dispositifs mettre en place pour nous protéger contre des débordements allant de la surveillance généralisée à la manipulation des foules ? La spécialiste des enjeux politiques et géopolitiques de la Tech Asma MHALLA et Gilles Moyse, docteur en intelligence artificielle, entrepreneur et auteur de « Donnerons-nous notre langue au ChatGPT ? » apporteront leurs expertises et regards, parfois divergents, pour décrypter ce qui se joue et nous aider à appréhender ces sujets avec les bons concepts.

5. GAGNER SUR LA MORT : L’ULTIME VICTOIRE ?       

Si on voulait décrire l’esprit de cette table ronde avec des références de la pop culture on pourrait dire que c’est la rencontre de Six feet under, Les Experts et Ghost in the Shell…. Alors que nous la tenons à distance de nos vies, que nous légiférons sur la fin de vie et que certains rêvent à l’éternité à grands renforts de technologies, la mort occupe une place singulière dans la société contemporaine à la fois conceptuellement présente et matériellement absente. Une envie, celle de « Gagner sur la mort » semble traverser notre époque et recouvre bien des réalités en ce début du XXIème siècle, s’attaquant aux tabous comme aux principes de l’incarnation d’un “esprit” dans un “corps” et mobilisant le droit. Quelles formes pourraient prendre ces victoires sur la mort ? Que dit notre rapport à la mort de notre société ? Quels enseignements tirent ceux qui l’ont côtoyée de près ? Comment comprendre cette quête d’immortalité ? Quels rêves habitent les transhumanistes ?  

PHILIPPE CHARLIER : médecin légiste, anatomo-pathologiste, archéo-anthropologue et paléopathologiste français. / CAROLINE DE BODINAS : Écrivaine et journaliste / STEPHANIE SOLINAS : Artiste plasticienne, Chercheuse

LE TRIOMPHE DE LA LIMITE – GUILLAUME DESANGES

Nous héritons d’une modernité triomphante qui pensait ses ressources illimitées. En économie comme dans l’art, beaucoup de matérialité, beaucoup d’énergie sont utilisées pour créer de nouvelles formes, de nouvelles idées. Notre volonté de conquête nous a placés dans une logique d’accélération dont nous devons aujourd’hui mesurer les conséquences sanitaires, sociales et écologiques. Pour sortir vainqueur de ces nouveaux défis, il s’agit aujourd’hui de reconsidérer ces logiques exponentielles dans un esprit de durabilité, dont il y a tout à gagner. Comment le directeur du Palais de Tokyo, auteur d’un fascicule intitulé “Petit traité de permaculture institutionnelle” conçoit le rôle d’une institution culturelle en 2024 ? Comment a-t-il traduit sa vision en actes et en faits ? Lui qui est prêt à “perdre” aujourd’hui pour “gagner” au nom de demain, quel enseignement peut-il nous transmettre au regard des expériences qu’il décline dans son institution.

PEUT-ON TOUT FAIRE POUR GAGNER ? YAS BANIFETAMI AVOCATE

Experte mondialement reconnue en matière d’arbitrage international et de droit international public, Yas Banifatemi sera présente à l’UNESCO pour aborder avec nous cette question éthique qui surgit quand nous parlons de combats et de batailles. Elle qui a remporté des victoires historiques – notamment en obtenant une récompense de 50 milliards d’USD pour les actionnaires majoritaires de Yukos Oil Company, la plus importante récompense d’investissement de l’histoire – témoignera des questions de conscience qui jalonnent les vies professionnelles des acteurs de la Justice. Au-delà de ses prouesses juridiques, Mme Banifatemi est reconnue comme l’une des 50 personnes françaises les plus influentes par Vanity Fair (décembre 2021) et a déjà figuré dans la liste des « The Best and the Brightest » de The American Lawyer (2011). Elle est l’une des lauréates du prix « Women Inspiring Change » de la Harvard Law School (2014). Chambers & Partners la classe dans le groupe 1 des Global Market Leaders, saluant son parcours et son expertise exceptionnels.

NE PAS ACCEPTER LA DEFAITE, SE BATTRE POUR L’AVENIR – DEEDA AZAMI

« Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. »L’Afghanistan donne tristement raison à Simone de Beauvoir.
Alors que la période soviétique avait vu une relative amélioration des droits des femmes en Afghanistan le retour des Talibans au pouvoir en 2021 les ont balayés, reléguant les femmes au statut juridique d’objets. Deedi Azami est une militante afghane pour les droits des femmes. Depuis des années, elle se bat en faveur de l’accès des femmes à l’éducation et de leurs droits politiques. D’abord dans son pays natal puis en France où elle a trouvé refuge. Sans se laisser décourager, Deeda a pris en charge le « Projet Ramzia » visant à faire face aux barrières éducatives imposées par les Talibans en soutenant les étudiantes afghanes grâce à des cours en ligne.Face à l’adversité, le parcours de Deeda Azami est un témoignage de son engagement indéfectible qui vient nous rappeler qu’aucune bataille n’est perdue, même dans les moments sombres, tant qu’on refuse la défaite.

QUI GAGNE QUAND LA JUSTICE EST RENDUE ?   Me LAURE HEINICH

Une conférénce pour interroger les notions de « gagner » dans le cadre de la justice ainsi que les responsabilités ou implications qui naissent que l’on soit la partie qui « gagne » ou qui « perd » ; et d’ailleurs ces victoires ou défaites appartiennent-elles aux parties ou à une entité plus large, conceptuelle qui serait la justice, souveraine qui serait le peuple ? Cette table ronde sera aussi l’occasion d’interroger les partitions entre politique et juridique (la lutte contre l’injuste est politique ? la détermination de ce qui est juste est juridique ?), d’explorer la matrice morale vs justice, et de comprendre le rythme (que l’on peut juger parfois long ou inapproprié) des évolutions du droit.

HABITER LE MONDE, HABITER L’ART : UN PARI POUR LE 21IEME SIECLE. – FRANK MADLENER – IRCAM

Il y a 400 ans, Blaise Pascal venant d’élaborer la base du calcul des probabilités faisait le pari raisonné de l’existence de dieu en vue de l’éternité de l’âme. Pesant les risques de gains et de pertes, il posait ainsi un argument mathématique et philosophique réglant la vie des Hommes. En 2024, alors que de multiples séismes nous obligent à redéfinir de nouvelles règles du jeu, quel doit être le pari de notre temps ? Certainement pas le pacte de Faust, ce pari de la démesure où ce qui compte est de tout obtenir maintenant même si cela doit être perdu ultérieurement. Pas plus que le pari de l’Éternel retour de Nietzsche en 1890 où chaque instant aura à se reproduire tragiquement dans un cercle parfait. Encore moins le pari actuel des néo-prophètes trans-humanistes aux USA où l’on sacrifie tout à l’immortalité y compris notre l’habitat actuel.Mais le « Pari du Présent préservé » qui mise sur l’hypothèse d’un Humanisme du numérique intégrant, régulant et infléchissant l’innovation. Un pari peuplé de fantômes prodigieux auxquels l’intelligence artificielle, l’ingénierie ambiante et l’imaginaire humain peuvent aujourd’hui donner vie et voix. A travers une trajectoire spatio-temporelle express qui nous mènera du XVIIème siècle à l’ère contemporaine en nous faisant voyager par Paris, Sils Maria et la Silicon Valley, Frank Madlener, Directeur de l’Ircam-Centre Pompidou, nous proposera pour reconstituer l’habitabilité du monde.